Vive les « verres à moitié plein », heureusement qu’ils sont là pour mettre un peu de gaîté et de légèreté dans la vie !
Parce que les « verres à moitié vide », ça plombe une ambiance ! Et puis, il faut relativiser dans la vie : la mort, la pauvreté, la maladie… Arrêtez vos caprices, vos sensibleries et prenez du recul. « Soyez heureux », magnifique injonction paradoxale, obligation au bonheur qui rend ceux qui n’y arrivent pas_coupables.
Aujourd’hui c’est politiquement correct d’avoir la « positive attitude ». En étant positif, on crée du positif autour de soi… Accueillir les émotions, oui mais bon, faut pas que ça prenne trop de temps, ni trop de place. On les accepte par souci d’efficacité, pour qu’elles nous foutent la paix … Etre submergé, démuni, surtout pas … le point final nous appartient.
A la question « Préférez-vous être un homme heureux ou un écrivain de talent ? », Emmanuel Carrère qui partageait publiquement sa pathologie de « bipolaire de type 2 », ne savait quoi répondre. Etre heureux oui, mais pas à n’importe quel prix !
Les « verres à moitié vide », sont perfectionnistes, hyper-sensibles, ils ont un surplus de capteurs qui les font réagir au quart de tour, les entraînent dans des abysses de perplexité et d’angoisse. Spéléologues des cavités humaines, l’ombre est leur lumière, le doute leur territoire …. Mais ils ne sont pas plus envieux des certitudes des « verres à moitié plein », pour eux, ces derniers vivent dans une réalité tronquée, une réalité projective. Bien sûr, c’est plus confortable d’être heureux, on souffre moins, c’est indéniable… mais de là à se faire amputer de ces capteurs qui apportent peut-être moins de bonheur, mais plus de relief et de couleurs, et surtout plus de nuances et de délicatesse.
Ce qui est étrange, c’est que tous apprécient les artistes. Un artiste a le droit d’être torturé, insomniaque, obsessionnel, car il « produit », il produit de l’art et de la beauté. Sa sensibilité, cloisonnée dans un écrin artistique, dérange moins. Mais un « verre à moitié vide » sans « stample » artistique, bien que doté des mêmes capteurs, appartient à la catégorie des loosers, ce sont des gens à problèmes, en fait, ils sont LE problème.
C’est plus facile de reprocher à quelqu’un ses débordements, ses dépressions que ses angles morts. Des cris, des pleurs, c’est visible, ça fait du bruit. A l’inverse, comment avoir conscience de sa « blind zone » ?, ce que justement on ne perçoit pas, ces bruits sourds qu’on n’entend pas …? Le « verre à moitié vide » passe sa vie à douter, à se remettre en question, à ne pas comprendre pourquoi ce qu’il voit n’est pas vu, ce qu’il ressent n’est pas perçu … mais comme il parle à un angle mort, le cercle vicieux continue ; le « verre à moitié vide » souffre de ne pas être entendu, et le « verre à moitié plein» se dit qu’il a décidément tiré la bonne carte.
Ce plaidoyer ne se veut ni clivant, ni hiérarchisant, mais tout simplement inclusif et accueillant. Pourquoi juger, ce qui est mieux ou moins bien, alors qu’il s’agit simplement de différences. Notre mission sur cette terre n’est pas la même, il y a de la place pour tous les verres. Le « verre à moitié plein » se vit plein, ce qui est un leurre, le « verre à moitié vide » se vit manque, ce qui est un autre leurre. Mais ce qu’ils ne savent pas encore c’est qu’ensemble, ils forment une vraie plénitude.